Avec cette période de confinement et de télétravail, nous, salariés de différents employeurs et services du secteur du travail social (éducateurs et éducatrices spécialisés, assistant.es sociaux,…) voyons de grandes différences dans ce qu’on nous demande, même si nous avons pourtant le même financement (le Conseil départemental) et les mêmes missions. Certains services nous appellent encore à venir faire des réunions physiques... Et d’autres plongent à tout-va dans le numérique en créant des permanences numériques et multiplient l’usage des réseaux sociaux. Ainsi, « être » partout sur le net permettrait de mieux « justifier » notre travail auprès du financeur.
Et cela tombe bien… Car depuis plusieurs années il y a une volonté nationale d’ancrer le numérique dans la pratique des éducateurs. Des journées de formation nous renvoient à des pratiques paradoxales en fonction des services et des professionnel.les. Comment pouvons-nous mixer relation éducative dans le réel et relation virtuelle via les réseaux sociaux ? Les éducateurs ont-ils leur place dans la vie privée des jeunes ? N’est-ce pas un espace d’expression qui leur est propre, et qu’ils n’ont pas forcément envie de partager ?
Il est certes important de prendre en compte l’impact du numérique chez les jeunes, mais au point de vouloir s’immiscer sur la toile…
De la même manière, du côté des assistant.e.s sociaux, toute instruction de dossier (demandes d’aides financières, demande d’hébergement, dossiers de logement social,…) doit aujourd’hui suivre un protocole numérique bien précis. Ceci contraint la manière que nous avons d’entrer en relation avec la personne. Du fait du manque de temps, du manque de moyens humains, les entretiens sont de plus en plus directifs et impersonnels pour remplir au plus vite les données demandées par les logiciels.
L’abondance de papiers justificatifs, le regard sur les ressources des demandeurs, la succession de questions demandent, encore et toujours, un effort supplémentaire à la personne, une mise à nu parfois très éprouvante. Ceci est donc encouragé par le numérique, qu’on nous dit pourtant simplifiant et « révolutionnaire ».
De plus le numérique à tout prix crée de nouvelles formes d’exclusions. Comment font les familles, les personnes qui n’ont ni imprimante, ni Internet, ni ordinateur ?
Finalement, à qui profiterait ce travail numérique : aux financeurs, dans une logique de quantification pour envisager une réduction des coûts et des effectifs d’éducateurs, ou aux jeunes eux-mêmes ?
La banalisation de ce type d’utilisation dans cette période de travail à distance, n’a pour objectif et conséquence que de contrôler la population et de continuer à exclure les personnes victimes du capitalisme. C’est aux travailleuses et travailleurs sociaux et à celles et ceux avec qui ils travaillent de déterminer si et comment le numérique doit être utilisé !
Commission travail social NPA 33