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Marx et Engels ont transformé les utopies socialistes et communistes en un socialisme scientifique reposant sur une conception matérialiste, ce qui a conduit à deux découvertes fondamentales :

D'une part, Marx a élucidé le mystère de la plus-value, en montrant que le salariat est un rapport d'exploitation qui est à la base du mode de production capitaliste. 

Et d'autre part, Marx a montré que la lutte des classes ne peut qu'aboutir à l’émancipation de l'ensemble de la société, à une société sans classe, au communisme.

La plus-value, le salariat comme rapport d’exploitation

Pendant plus de 20 ans Marx, parfois dans les pires conditions de vie, a étudié le fonctionnement intime du système capitaliste, à partir non seulement des travaux des économistes de la bourgeoisie comme Adam Smith ou Ricardo mais aussi à partir de toute la documentation disponible… Tout ce travail aboutit à la publication en 1859 d'un premier livre, « Introduction à la critique de l'économie politique », puis en 1867 du tome 1 du Capital... deux autres tomes ne seront publiés par Engels qu'après sa mort.

Marx cherche à comprendre les mécanismes internes du capitalisme qui permettent cette extraordinaire accumulation de richesse à un pôle de la société et de misère à l'autre. Comme il se place du point de vue des exploités, il pose le problème différemment de la plupart des économistes libéraux dont l'horizon se limite au marché, là d'où semblent surgir toutes les richesses puisque les capitalistes y réalisent leurs profits.

Marx nous invite à quitter le marché, « cette place bruyante où tout se passe à la surface et aux regards de tous pour (...) le laboratoire secret de la production (...) Là, la fabrication de la plus-value, ce grand secret de la société moderne va enfin se dévoiler ». Pour Marx, la base de tout le fonctionnement du capitalisme repose sur le rapport qui s'établit entre le capitaliste qui possède les moyens de production et le prolétaire qui n'a que sa force de travail à vendre contre un salaire. Fondamentalement, le salariat qui repose soi-disant sur un contrat librement passé entre deux hommes libres, l’ouvrier et le patron, est en réalité un rapport d’exploitation.

Dans une société marchande, les biens produits ont une valeur d’usage liée à leur utilité concrète mais surtout une valeur d’échange exprimée par leur prix et qui fait d'eux des marchandises. Cette valeur d'échange correspond à la quantité de travail nécessaire à leur production, c'est à dire d'une part aux matières et à l’énergie mises en œuvre et d'autre part, au travail des ouvriers.

Quand un ouvrier vend sa force de travail à un patron, le patron ne lui paie pas en salaire l’équivalent de la richesse produite par son travail. Le salaire correspond à la valeur de cette marchandise « force de travail », c'est-à-dire à la valeur de ce qui est considéré suffisant et nécessaire pour permettre à l'ouvrier de vivre.

Cette différence entre le salaire et la valeur produite par le travail de l'ouvrier est la plus-value, c'est-à-dire tout simplement du travail non payé que la bourgeoisie peut s’approprier au nom de son droit de propriété.

Le salariat est un rapport d’exploitation masqué mais tout aussi réel que ne l’était l’exploitation des esclaves ou des serfs.

Cette découverte de Marx permet de dissiper bien des mensonges et des illusions sur l'argent qui engendre de l'argent. Non, à l'origine de toute richesse, de tout profit, de tout intérêt, de toute spéculation, il y a les richesses produites par le monde du travail et la lutte menée par la bourgeoisie pour se l'approprier.

A partir de ce mécanisme de base, Marx s'est attaché à décrire le capitalisme dans toute sa complexité. Décrire comment s'organise la circulation du capital à travers un cycle d'accumulation qui aboutit à la réalisation de la plus-value par la vente des marchandises sur les marchés. Décrire le fonctionnement global du capitalisme à travers lequel cette plus-value se répartit entre les différentes fractions de la bourgeoisie sous différentes formes : profits, intérêts, rente foncière.

Marx montre aussi que le capitalisme est une organisation économique incontrôlable qui suit les lois du marché et qui échappe et échappera toujours à toute tentative d'organisation consciente et rationnelle de la production à l'échelle de la société...

Enfin, pour Marx, il s'agit aussi de resituer l'ensemble du système dans le contexte de la lutte des classes. Car le capitalisme n'est pas un simple mécanisme économique neutre, le Capital est avant tout un rapport social qui ne peut être compris que dans son développement historique et donc dans le cadre de la lutte des classes.

La lutte de classe aboutit au communisme

Marx n'a pas inventé l'idée de la lutte des classes, un certain nombre d’historiens avaient décrit la Révolution française comme l'affrontement entre classes aux intérêts antagonistes. Mais il a montré qu'elle était loin de s'être terminée avec le triomphe de la bourgeoisie, il n’y a pas de fin de l’Histoire !

La base de toute société humaine est la façon dont les hommes produisent les richesses dont ils ont besoin pour vivre. Les différentes classes naissent de la division du travail qui apparaît dans le processus même de la production. Les progrès des sciences et des techniques, en bouleversant la façon de produire, modifient les rapports entre les classes. Les classes en opposition constante mène une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée jusqu’à ce qu’éclatent des bouleversements violents, des révolutions qui transforment toute la société. Ainsi tout le développement historique est le produit d’une lutte des classes à travers lesquelles les nouvelles classes disputent aux anciennes leur domination sociale.

Marx a montré qu'à l'époque moderne la lutte des classes a atteint une étape où la classe exploitée, le prolétariat, qui ne possède que sa force de travail, ne peut se libérer qu’en libérant la société toute entière de l’exploitation, en en finissant avec la propriété privée bourgeoise. La lutte des classes ne peut ainsi qu’aboutir à l'émergence d'une société sans classe : le communisme, stade plus avancé de l’évolution de la société humaine.

Comme on l’a vu, cette conception matérialiste de la lutte des classes est tout le contraire d'une vision linéaire, mécanique ou finaliste de l'histoire. Ce sont les hommes qui font eux-mêmes leur histoire, mais ils la font dans des conditions qui s'imposent à eux... Il est possible et indispensable d'étudier ces conditions car c'est leur compréhension qui permet d'agir consciemment.

Les premiers socialistes utopiques, les premiers ouvriers communistes combattaient les conséquences du capitalisme d’un point de vue moral, sans en comprendre les mécanismes internes. Avec ses deux découvertes, Marx a dépassé cette condamnation morale pour donner un fondement théorique, une base scientifique à la perspective du socialisme et du communisme. Il a su voir dans la classe ouvrière, non pas uniquement une classe souffrante et opprimée mais surtout la classe capable de renverser matériellement la bourgeoisie, ses « fossoyeurs ».

Le parti, instrument de l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes

En même temps qu'ils ont élaboré leur conception du socialisme scientifique, Marx et Engels se sont liés aux premiers militants du mouvement ouvrier pour les gagner à leur conception. Pour reprendre les mots de Marx : « Pour réaliser les idées, il faut les hommes qui mettent en jeu une force pratique. » (La Sainte Famille)

En exil à Paris puis à Bruxelles, mais aussi à Londres avec Engels, Marx discute avec tous les représentants du mouvement socialiste et des organisations ouvrières communistes. Il rencontre Proudhon, Bakounine mais aussi les artisans communistes de la Ligue des Justes, une organisation secrète composée d’artisans communistes allemands : l’ouvrier tailleur Wilhelm Weitling, l’horloger Joseph Moll, le cordonnier Heinrich Bauer, et le typographe Karl Schapper, les premiers prolétaires révolutionnaires que Marx et Engels ont rencontré et qui ont fait sur eux une forte impression.

Le film de Raoul Peck, le jeune Karl Marx, fait revivre cette rencontre comme le bouillonnement des débats démocratiques auxquels Marx, sa compagne Jenny et Engels participent dans ces années qui ont précédé les révolutions de 1848 en Europe, au sein d’un mouvement ouvrier encore dominé par les différents courants du socialisme utopique.

Marx voit en Weitling et ses camarades, les représentants d’une première étape du mouvement ouvrier qu’il s’agit maintenant de dépasser pour en finir avec les raisonnements des différentes sectes du communisme utopique, mélange d’idéaux de la révolution française et d’idéal égalitaire des premiers chrétiens.

Comme Marx l'expliquera, l'enjeu des discussions était alors de convaincre « [...] qu’il ne s’agissait pas de réaliser un quelconque système utopique, mais de participer consciemment au processus historique de bouleversement de la société qui se produisait sous nos yeux. »

Marx accompagne, rend consciente, l’évolution de la majorité des ouvriers communistes de la Ligue des Justes. Ces militants qui participent au développement du mouvement ouvrier, à ces premières luttes collectives, ne se retrouvent plus dans leur ancien chef charismatique Weitling, révolutionnaire de l’ancienne génération, qui rêve de coups de main pour établir le règne d’un communisme utopique, indépendamment du développement réel de la lutte des classes.

En mars 1847, la Ligue des Justes demande à Marx de la rejoindre officiellement et de les aider à se réorganiser sur la base de ces nouveaux principes. C’est ainsi que la Ligue des Justes devint la Ligue des Communistes et que Marx et Engels rédigent son programme, le Manifeste du Parti Communiste en février 1848

Marx y réaffirme que les principes théoriques du communisme « ne sont que l’expression générale des conditions réelles d’une lutte de classes existante, d’un mouvement historique qui s’opère sous nos yeux. »

Et c’est de cette conception du communisme que découle la façon, toujours d’actualité, dont Marx définit les rapports entre les militants communistes et l’ensemble du mouvement ouvrier : « (…) les communistes ne représentent pas un parti spécial quelconque opposé aux autres partis ouvriers, ils se distinguent de ces derniers uniquement en ce qu'ils représentent l'avant-garde des ouvriers qui a sur le reste de la masse du prolétariat l'avantage de comprendre les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement ouvrier. »

A peine le manifeste est-il publié que la Révolution éclate à Paris puis se propage à travers toute l'Europe... Marx et Engels vont plonger dans la bataille…

Sans doctrine toute établie, à travers l’expérience concrète de la lutte de classe réelle, Marx va enrichir, développer sa conception, en formulant étape par étape une politique d’indépendance de classes qui aille jusqu’au bout des possibilités du mouvement.

Bruno Bajou